1 877 686.5194
Une volonté exprimée d’aider les entreprises à prospérer, mais une passivité à les aider à avoir rapidement la main d’œuvre adéquate pour accroître leur production et répondre aux demandes de plus en plus croissantes, c’est là la politique de paradoxe que dénoncent depuis plusieurs mois les entreprises québécoises sans gain de cause immédiat.
Selon de nombreux spécialistes, l’immigration est une solution pour pallier la pénurie de main-d’œuvre qui s’observe au niveau des entreprises des régions du Québec. L’immigration permet aux employeurs de s’attacher les services de travailleurs étrangers qualifiés et disponibles. Selon des statistiques tirées d’un article de Louise Boisvert d’Ici Radio-Canada, six entreprises sur dix veulent continuellement augmenter le nombre de leurs employés issus de l’immigration. Entre l’embauche des employés et le moment de les avoir sur place, c’est souvent la croix et la bannière.
Attendre de 12 à 24 mois, parfois plus avant de commencer par bénéficier des services d’un travailleur étranger, voilà la situation que vivent la majorité des entreprises des différentes régions québécoises. Pourtant, le besoin est parfois urgent et de l’argent est dépensé. Ce temps perdu, qui est essentiellement dû à la lourdeur administrative avec laquelle le Québec et Ottawa s’occupent des visas pour travailleurs étrangers, engendre beaucoup de pertes et oblige des entrepreneurs à penser modeste au lieu de rêver à s’agrandir. Les pertes économiques qui pourraient en résulter incitent plusieurs catégories socio professionnelles et même des personnalités politiques à s’en saisir.
La situation de désespoir que vivent les entreprises par rapport à l’embauche des travailleurs étrangers a déjà fait réagir plusieurs députés ces dernières semaines. Pour la 2e fois après décembre 2019, le député de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold, a donné de la voix. En concertation avec de nombreuses entreprises de la région, il a été établi que : « les délais actuels pour l’embauche de travailleurs étrangers temporaires sont inacceptables et ont des conséquences non seulement sur ces entreprises, mais également sur l’ensemble du développement régional ». Pour lui, il est temps qu’Ottawa se saisisse de ce dossier.
En février 2021, le député fédéral de La Pointe-de-l’Île, Mario Beaulieu, s’était lui aussi employé au même exercice. Dans une note adressée au secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, le député avait demandé que le ministère puisse fournir un calendrier avec des objectifs de priorisation.
Richard Lehoux, député de Beauce, n’a pas manqué d’intervenir dans le débat. Dans une lettre ouverte au ministre Marco Mendicino, il demande que les mesures adéquates soient prises pour parvenir à un : « processus simplifié et plus rapide, pour recruter des travailleurs étrangers ». Cet appel qu’il a formulé se justifie par le constat qu’il a établi et selon lequel : « plusieurs entreprises en sous-effectif ont besoin d’une main-d’œuvre qualifiée, soit pour manipuler de la machinerie ou faire des actions précises comme de la soudure. Plusieurs entrepreneurs veulent offrir une formation accélérée aux intéressés, mais ils ont besoin de main-d’œuvre dès maintenant, non pas après une formation de six mois. C’est pourquoi aller chercher des travailleurs à l’extérieur du pays ne devient plus un choix, mais une nécessité ».
Selon l’Institut de la statistique du Québec, la province comptait 148 460 postes vacants au dernier trimestre de 2020. En 2021, la situation ne s’est pas encore considérablement améliorée. Cette pénurie de main-d’œuvre n’est pas spécifique à un secteur, elle touche de plein fouet les entreprises agricoles, manufacturières, mais aussi celles qui sont dans le tourisme et la restauration. Dans ces deux derniers secteurs, les chefs d’entreprises ont même commencé par avoir de sérieuses inquiétudes par rapport à la reprise des activités en l’absence d’un personnel qu’ils attendent toujours.
Cette difficulté d’accessibilité en temps opportun à la ressource humaine qualifiée et disponible devient de plus en plus un handicap majeur au développement des entreprises. En effet, pendant que ces entreprises peinent à s’offrir les services de la main d’œuvre qu’elles ont embauchée, elles n’arrivent pas à satisfaire les commandes qui se multiplient et perdent ainsi des opportunités de se faire des gains supplémentaires.
Dans son point de presse, le député Luc Berthold a déclaré que : « cette situation engendre non seulement une obligation de refuser des contrats, mais aussi une perte de compétitivité, des machines peu ou pas exploitées… » Les entreprises à défaut de s’atrophier vont évoluer à un rythme très lent.
Une vaste consultation pour cerner et régler les problèmes liés au système d’immigration qui rendent pénible l’obtention de main-d’œuvre, c’est ce que propose la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). L’organisme pense néanmoins déjà que le problème se situe au niveau des seuils d’immigration trop bas au Québec et des délais trop longs de traitement au niveau fédéral.
Selon Ottawa, en l’occurrence les déclarations de l’attaché de presse du ministre Mendicino, Alexander Cohen, l’Accord Canada-Québec dans le domaine de l’immigration a donné un certain nombre de pouvoirs à la province qui doit elle-même déterminer ses priorités. Quant au délai, le fédéral avait récemment indexé le gouvernement provincial de lui avoir demandé de ralentir le traitement des dossiers.
Prises dans l’étau des gouvernements provinciaux et fédéraux, les entreprises suggèrent pour certaines que les travailleurs étrangers soit admis sur le territoire canadien et commence à aider les entreprises dès que possible, quitte à ce qu’ils continuent la procédure sur place.
Cette suggestion ne fait pas encore l’objet d’une étude, mais le gouvernement de François Legault a prévu des dispositions dans son plan d’action en matière d’allègement réglementaire et administratif 2020-2025. Dans ce plan qui compte 44 mesures, il est prévu au niveau de la mesure N° 9 de : « mettre en place, dans le secteur de la transformation agroalimentaire et dans tous les autres secteurs, un programme des travailleurs étrangers temporaires pour le Québec (PTET-Québec) qui serait adapté aux besoins du marché du travail du Québec et de ses régions, tout en étant plus agile et efficient ».
L’espoir est que ces programmes qui ont commencé à être progressivement mis en œuvre puissent réellement satisfaire les besoins spécifiques des entreprises chez qui il est possible de sentir un certain épuisement.